mercredi 26 décembre 2012

Les banquets Camp du Drap d’Or, par Aurélie Massie



Conférence d’Aurélie Massie, université Paris 7 Diderot.

Le 14 décembre 2012, dans le cadre du programme des rencontres de l’honnête volupté.

Abstract rédigé par l’auteur.



La question de la culture matérielle et plus particulièrement de la matérialité du prestige des princes et des monarques suscite actuellement l'attention des historiens et fait l'objet de recherches récentes. C'est dans ce cadre que j'ai entrepris cette recherche qui s'appuie sur un événement majeur du XVIe siècle, l'entrevue du Camp du Drap d'Or et plus particulièrement sur les nombreux banquets qui s'y déroulèrent. Une telle cérémonie royale ne pouvait se concevoir sans des banquets gargantuesques. En effet, la table doit représenter l'étendue du pouvoir et de la richesse, c'est pourquoi elle offre une profusion de mets, propose les plats les plus variés et les plus raffinés, recherche des effets spectaculaires et affiche luxe et démesure que nous jugerions aujourd'hui comme outranciers.

Le croisement de sources comptables et littéraires nous permettent de reconstituer, au plus proche, la réalité matérielle des banquets et l'organisation du travail des artisans de bouche.

On été analysés tout d'abord les comptes particuliers des paiements extraordinaires faits aux marchands ayant fourni l'Hôtel lors de l'entrevue du Camp du Drap d'Or. Il s'agit des comptes de Sébastien de Mareau, conseiller du roi François Ier et maître de la Chambre aux deniers. Puis les comptes de la Household anglaise. Ceux-ci ont permis de comprendre le déroulement des banquets et le type de plats privilégiés lors des fêtes royales. Un dernier développement fut consacré au déroulement des banquets.

Des dizaines de cuisiniers, sauciers, écuyers de cuisine, échansons, poissonniers, bouchers participèrent à l'élaboration des festins. Quelque 30 484 livres tournois furent dépensées du côté français et une somme équivalente du côté anglais. La quantité de nourriture et la variété des plats fût extraordinaire, une grande quantité de vins et de bières fut commandée.

Ces documents constituent une source de premier ordre pour l'étude du matériel culinaire acheté et utilisé à l'Hôtel. Ils permettent de préciser les fonctions attribuées à chaque office, les pratiques culinaires mises en œuvre et la gestion de l'hôtel du roi. Mais ces comptes ne disent rien sur le nombre de convives, la répartition des mets entre les invités ou les manières de tables et ne précisent que rarement les quantités acquises. Il est donc indispensable de croiser ces sources comptables avec d'autres documents littéraires comme les récits d'ambassadeurs, ou les traités de cuisine et de manières de table.


La culture de l’enivrement ou pourquoi est-il permis de s’enivrer dans la France d’Ancien Régime ? par Matthieu Lecoutre

Conférence de Matthieu Lecoutre, historien (UMR 5605 université de Bourgogne-CNRS & EA 6294 université de Tours).
Le 14 décembre 2012, dans le cadre du programme des rencontres de l'honnête volupté.
Abstract rédigé par l'auteur.


Notre travail souligne qu’une « culture de l’enivrement » imbibe fortement le corps social de la France moderne, de la tête aux membres, des élites au peuple[1].
            Du XVIe au XVIIIe siècle, cette culture de l’enivrement repose sur trois attributs : la complaisance, la sociabilité et l’héritage culturel. La complaisance est fondée sur cinq éléments : des croyances populaires favorables, des convictions médicales bienveillantes, la capacité à s’élever par l’enivrement, le succès du comique d’enivrement et la complaisance économico-fiscale. Parallèlement, une partie de la sociabilité d’Ancien Régime repose sur une ivresse collective, festive, cyclique, pluri-catégorielle et communielle. Enfin, cette culture de l’enivrement est perçue comme un héritage ancien et universel qui se transmet de générations en générations dans toutes les catégories sociales.
            La mise en lumière de cette culture de l’enivrement permet de comprendre pourquoi - alors que s’enivrer est juridiquement un délit (depuis l’édit de François Ier du 30 août 1536) et religieusement un péché mortel, véniel ou une faute - ni les pouvoirs civils, ni les pouvoirs religieux, voire même les autorités morales et médicales, ne sont parvenus à imposer leurs normes répressives à la société d’Ancien Régime. Plus de 4 500 sources manuscrites, essentiellement judiciaires, et environ 300 sources imprimées montrent que l’enivré d’Ancien Régime est le plus souvent un jeune homme de 20 à 34 ans, paysan ou artisan, qui s’enivre dans un débit de boissons, le dimanche dans l’après-midi ou pendant la nuit. Mais au-delà de ce portrait-type, tous les âges, sexes et catégories sociales sont concernés par l’ivresse, de la plus haute noblesse au plus petit des mendiants. Si les enivrés se conforment aux règles formelles et temporelles de cette culture de l’enivrement complaisante, sociabilisante et héritée, ils ne sont pas considérés comme des déviants par la société.
            La mise en évidence de cette culture de l’excès dans la France moderne permet d’approfondir l’analyse du processus de « civilisation des mœurs » mis en lumière par Norbert Elias. Une « culture de l’enivrement », structurée par des normes sociales et culturelles, délimite et accompagne ce processus de « civilisation des mœurs ». L’autocontrôle des conduites est au cœur des deux concepts : le contrôle de soi de la sprezzatura d’un côté, l’ivresse rare, sociabilisante et festive de l’autre. La « culture de l’enivrement » est donc une culture normative de l’excès. Les nouveaux outils d’encadrement tels que la Cour, les traités de civilité, les salons, les institutions scolaires ou la confession ne sont pas les seuls à mettre en ordre la société. La famille, les amis, le voisinage, le cabaret, la rue et l’oralité diffusent aussi des normes parfois complémentaires, parfois contradictoires, parfois en concurrence avec les normes comportementales du « procès de civilisation ».




[1] Matthieu Lecoutre, Ivresse et ivrognerie dans la France moderne, thèse soutenue à l’université de Bourgogne en 2010 sous la direction de Benoît Garnot, Presses universitaires de Rennes et Presses Universitaires        François-Rabelais, collection « Tables des Hommes », 2011.

mercredi 19 décembre 2012

“Aux tables des grands hôtels de Paris, 1855-1914”, par Alexandre Tessier



Conférence d’Alexandre Tessier, Docteur en Histoire, ATER à l’Université de Tours, EA 6294 LÉA

Vendredi 14 décembre 2012, dans le cadre du programme des rencontres de l'honnête volupté.
Abstract rédigé par l'auteur.



La grande hôtellerie parisienne naît sous le Second Empire. Précédemment, il existe
bien une industrie hôtelière, avec parfois des établissements offrant des prestations de très bon
niveau comme le premier hôtel Meurice, mais l’on peut sans conteste affirmer que les deux
grands hôtels créés par les frères Pereire, le Grand Hôtel du Louvre (inauguré en 1855) et le
Grand Hôtel (1862), sont à l’heure de leur inauguration deux nouveautés dans le paysage de
l’industrie de l’accueil à Paris, à savoir deux hôtels de grande capacité et de grand confort.
Plus qu’une histoire de la grande hôtellerie parisienne, l’objet de l’intervention porte
sur l’étude de la restauration (au sens large) proposée par les grands hôtels, de leur création à
l’aube de la Première Guerre mondiale. Au-delà de l’offre alimentaire, il convient de
s’interroger sur les efforts déployés dès le Second Empire pour faire des palaces parisiens des
nouveaux temples de la gastronomie de la cité, voire du pays. Les premiers établissements
utilisent largement l’argumentaire culinaire dans leur éventail commercial, pouvant prendre
une tournure lyrique : « la gastronomie au Grand-Hôtel a le choix entre deux manifestations
élevées : la cuisine classique, qui apparaît à la table d’hôte et aux banquets, et la cuisine
étrangère. […] A côté de la cuisine française, cette quintessence de tous les types adoptés par
la civilisation européenne, vient se placer la cuisine exotique, et les étrangers accourus de
tous les points du globe ont la satisfaction de pouvoir manger leurs mets nationaux. Le
Chinois peut y retrouver ses nids d’hirondelles : l’Indien, ses tortilles de maïs ; le Turc, ses
viandes accommodées suivant le rite musulman ; l’Israélite, ses préparations orthodoxes ; le
Russe, son caviar et ses beefteacks d’ours ; l’Anglais, son roastbeef, qu’il peut arroser de
sherry authentique »1 . De plus, les parties immergées (caves, cuisines, offices, etc.) ou
apparentes de l’iceberg (salles de réception) doivent attirer l’attention de l’observateur dans la
mesure où elles prouvent que la table des grands hôtels agit dès l’origine pour garantir leur
image de marque et ainsi leur succès. Enfin, la perspective relativement longue permet de
mettre en évidence les évolutions et surtout les singularités de chaque établissement en
matière d’offre alimentaire (que ce soit au niveau des menus ou des modes de consommation),
permettant de segmenter le marché de l’hôtellerie de luxe et de demi-luxe à Paris grâce à la
table.
1 Guide de l’étranger dans Paris et ses environs, Grand Hôtel, édition de 1877.

lundi 17 décembre 2012

Abécédaire légumophile



Abécédaire légumophile
primé par GOURMAND WORLD COOKBOOK AWARDS
comme meilleur livre de l’année 2011 en France dans la catégorie Littérature.

Jean Pierre Fournier, Astrid Bouygues
Ouvrage collectif
Préface de Jean-Claude Carrière

Couverture en bichromie
Dessins et culs de lampe de François Houtin
Dessins de Daniel Maja et de Marc Taraskoff
Bibliothèques gourmandes - Editions VIRGILE

Textes originaux rassemblés par Jean-Pierre Fournier et Astrid Bouygues
Ingrid Astier, Alain Baraton, Georges Bardawil, Zeno Bianu, Frèd Blanc, Gilbert Bordes, Thierry Bourgeon, Astrid Bouygues, Jean-Claude Carrière, Alain Chevrier, Gilbert Dalla Rosa, Renée Elkaïm-Bollinger, Paul Fournel, Jean-Pierre Fournier, Jacques Jouet, Sébastien Lapaque, Gilbert Lascault, Alain Passard, Chantal Pelletier, Liliane Plouvier, Gabriel Saad, Elisabeth Takeuchi, Hisayuki Takeuchi, Tito Topin, Frédérick Tristan, Robert Vigneau, Monique Zetlaoui.
Textes inédits de Pierre Albert-Birot et Jean Follain

Après l’Abécédaire porcinophile en 2003 et l’Abécédaire liquidophile en 2007, les Bibliothèques gourmandes et leurs amis publient en mai 2011 l’Abécédaire légumophile. A nouveau, chaque lettre, gorgée d’encre et du talent des auteurs choisis, se goûte, se croque avec plaisir. Les 12 recettes d’Alain Passard qui ouvrent la cavalcade feront découvrir à beaucoup la splendeur gustative des légumes. Et si un doute subsistait, l’eau-forte, les dessins de François Houtin et ceux de Daniel Maja et Marc Taraskoff devraient les convaincre définitivement que les légumes, bien accommodés, peuvent être joyeux, bavards, piquants, effrontés, coquins et tendres.