lundi 12 février 2018

« Et où diable est ce potage ? » : une petite histoire des repas d’odeurs.




 Résumé de l'intervention d'Erika Wicky, post doctorante, FNRS, Université de Liège, le 2 février 2018

L’idée selon laquelle il est possible de se nourrir en respirant l’odeur des aliments a une longue histoire, toujours bien connue au XIXe siècle. Elle trouve son origine dans l’antiquité lorsque les anciens prétendaient que Démocrite avait pu prolonger ses jours en humant l’odeur du pain chaud et que Pline et Plutarque rapportaient l’existence des Astones, population indienne dépourvue de bouche et ne se nourrissant que d’odeurs. Au XVIIe siècle, cet imaginaire prend la forme de scènes de repas de parfums développées dans les fictions d’auteurs aux postures aussi différentes que celles de Fénelon et de Cyrano de Bergerac. À une époque où la nature moléculaire des odeurs, qui sont parfois envisagées comme des ondes, demeure impossible à prouver, les auteurs et les artistes du XIXe siècle reprennent souvent ces occurrences anciennes de repas d’odeurs. Ils convoquent aussi cet imaginaire pour aborder des problématiques contemporaines comme la chasse aux odeurs de cuisine opérée par les hygiénistes. Les odeurs de repas matérialisent également la promiscuité suscitée l’urbanisation et les inégalités sociales, qui forcent les plus pauvres à sentir les mets qu’ils ne peuvent savourer. Enfin, les odeurs alimentaires cristallisent les craintes suscitées par les progrès de l’industrie chimique que l’on soupçonne d’envahir le domaine de l’alimentation. Entre réminiscences historiques et spéculation scientifique, l’imaginaire des repas d’odeurs renseigne ainsi autant sur l’évolution des conceptions de l’alimentation que sur les changements survenus dans les sensibilités olfactives. 

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